«Tout un symbole pour qui recherche la vie »

«Tout un symbole pour qui recherche la vie »

JE ME SOUVIENS... Première ou dernière fois dans le service, à chacun·e son regard, ses craintes, ses espoirs.

Bien sûr que je me souviens : 19 juillet 2021, premier jour hospitalisée, mais aussi date anniversaire de la mort de ma grand-mère. Tout un symbole pour qui recherche la vie. Passée le choc des premiers jours, un tsunami de vulnérabilité face à ce nouvel environnement dont je n’avais décidément pas tous les codes. J’avais au départ imaginé ne rester qu’un seul petit mois : quelle ne fût pas ma surprise de découvrir que vous étiez en salle depuis avril et que j’allais devoir envoyer valser rapidement mes calculs foireux !

Et aujourd’hui, que reste-t-il ? De cette transition imperceptible durant laquelle ce cadre strict, à l’allure hostile au départ, devient d’un coup ton quotidien ? La traversée : 7h15, bonjour, c’est l’heure de la pesée couloir lino-néon-ligne droite, chemisette APHP, en file indienne ?

Le goût agressif des vitamines grumeaux jaune radioactif ? Le cri strident de la sonde qui te réveille en sursaut ou les larmes salées ? Non, ce qu’il me reste aujourd’hui, ce sont nos matinées aquarelle désenchantée Mylène Farmer ; tout est chaos devant la grande télé de la salle commune. Nos soirées tisanes-colonies de vacances aux avant-goûts d’un service de géronto. L’odeur de la lavande, les chatons qui gambadent dans le jardin de l’addicto. Notre hilarité face à la classification douteuse de la bibliothèque qui relie timidité, alcool et violence à homosexualité : c’est la décadence !
Le piano du bas et les notes qui s’en échappent lentement sous les doigts dans les couloirs-abbaye. La bienveillance de l’équipe soignante, si vous avez besoin de nous on est juste à côté, malgré la fatigue des journées de travail très remplies.

Et cette belle soirée d’août, la chaleur du soleil sur ma peau, la Fuerza del destino de Mecano s’élevant doucement dans les airs et une patiente de psychiatrie, porte de la chambre ouverte, qui m’envoie son meilleur sourire ; jusqu’aux oreilles. Des moments comme ça, il y en a eu des dizaines et des dizaines, ils n’empêchent pas les larmes de couler, mais ils apaisent le coeur. « Tous les orages viennent à manquer de pluie » disait Maya Angelou dans une interview…

A.