« Demain c’est fini ». Au fond de mon lit, l’inéluctable vérité m’écrase tel un rocher, pèse de tout son poids sur ma tranquillité. Demain c’est lundi. Il faudra tout recommencer, survivre chaque journée, subir patiemment le temps, jusqu’à la délivrance. Puis ce sera à nouveau lundi. Il y a pire que le jour de l’exécution : la veille. Il va falloir se lever, trainer tout le long de ce sursis, pleinement conscient de l’approche de la sentence et du temps restant gaspillé en l’attendant. Il n’y a rien à faire, il n’y a que le gris, le blues et l’ennui. Je reste cachée encore un peu au fond du lit. La chambre est noire. « Souffle la bougie, je ne veux pas voir la couleur de mes idées ». Soupire.
Puis soudain, rai de lumière : tel un archange venu annoncer la bonne nouvelle, maman entre dans un halo de soleil, annihile les ténèbres internes et externes. « Bébé ! On est invitées chez tonton Pascal pour midi ! Tu viens te préparer ? » Son sourire est si gai, son amour si évident, d’un seul coup la lumière en entrant dans ma chambre pare d’une beauté multicolore mes mornes pensées. « Trop bien ! J’arrive ! Youpiiii »
Ma mère rit et part se préparer, si guillerette que j’en ai envie de danser. Cette bonne nouvelle vient de me tirer de mon trou au sens propre et figuré. Je laisse entrer le soleil par la fenêtre, dévale en souriant, galopant et trépignant l’escalier. Dans la salle de bain, tout le monde est affairé ; on se pomponne, on s’habille… On se fait toujours un peu jolies chez tonton Pascal. Je m’apprête et me réjouis à la perspective de ce qui aurait dû être un jour gris. Le voilà tout bariolé de gaieté.
En bas, maman emballe les bons plats qu’elle a préparés. Elle est belle et parfumée. L’ambiance est au rire et à la légèreté. Là bas il y aura mes grands cousins, ma grande cousine, mes tontons, mes tatas et autres parents. Il y aura un vinyle sur le vieux tourne-disque, des conversations, des verres à moitié pleins et la chaleur du bon feu. On parlera, on débattra, on ne sortira pas de table avant 16h. Je me sentirai bien. Demain n’existera pas je serais chez moi.
A.