« Ne pas m’attacher pour ne pas m’émouvoir »

« Ne pas m’attacher pour ne pas m’émouvoir »

JE ME SOUVIENS... Première ou dernière fois dans le service, à chacun·e son regard, ses craintes, ses espoirs.

Je me souviens, c’était un lundi. Le 7 février, cela devait durer 48 heures. Une semaine et demie après, je suis encore là. Il faisait bon ce matin-là, je crois. Je ne me rappelle pas. J’avais comme d’habitude, préparé une valise en avance, calmement, pour avoir moins peur, me sentir en sécurité. J’avais prévu du rechange, au cas où ce séjour s’étendrait. Bien m’en a pris. Il était important que ma valise ne soit pas trop lourde, j’aurais eu l’impression de m’installer. J’ai tellement peur de l’hospitalisation, de m’habituer à venir, d’aimer être hospitalisée, de trouver trop sympa les soignants.

Ce n’était pas la première fois que je venais dans l’unité Lhermitte. Je connais le personnel. Saluer des têtes connues facilite mon intégration. L’accueil était chaleureux. Aux admissions aussi, je suis « réputée ». On m’avait prévu la chambre 39, dont les radiateurs dysfonctionnent, j’avais donc prévu d’ajouter 1 pull dans mes affaires, au cas où je me retrouverais dans cette piaule. Ce n’est pas de ma faute, mais ma mutuelle était injoignable. L’an passé le protocole avait changé et je savais que je pouvais me retrouver en salle avec les autres patients rapidement.

Je me sentais le cul entre 2 chaises : se faire discrète, rester à distance ou participer aux conversations. Je ne me présentais pas, et m’efforçais de retenir les prénoms des unes et des autres. Je me sentais étrangère, mal à l’aise à être présente tout en souhaitant être transparente. Ne pas m’attacher, pour ne pas m’émouvoir des coups de mou de l’autre. Laisser chacun faire son chemin. Espérer qu’elles et qu’ils s’en sortent.

E.